L’ascension fulgurante de la romantasy dans le paysage littéraire amène aujourd’hui à s’interroger : cette tendance est-elle en train de saturer le marché et d’étouffer la diversité des récits ? Alors que de plus en plus d’éditeurs se lancent sur ce créneau, cette nouvelle tendance apporte aussi son lot d’inconvénients.
Une explosion de la romantasy : quand la tendance devient omniprésente
La romantasy, qui combine romance et fantasy, est devenue incontournable ces dernières années. Ce mélange entre univers fantastiques et romance a su séduire un large public, en particulier à travers des communautés littéraires sur les réseaux sociaux comme TikTok ou Instagram. Des sagas telles que Le Pont des Tempêtes de Danielle L. Jensen ont contribué à la popularisation du genre, faisant de la romantasy une des tendances les plus en vogue actuellement dans le monde de l’édition, et plus particulièrement dans le paysage de la littérature de l’imaginaire.
Face à cette demande croissante, les maisons d’édition n’ont pas tardé pas à réagir. Les sorties de livres estampillés « romantasy » se multiplient à un rythme effréné, et les collections se spécialisent de plus en plus sur cette thématique. Les éditions Hugo ont d’ailleurs créé leur propre label “romantasy” pour les histoires s’inscrivant parfaitement dans cette thématique.
Chaque nouvelle sortie est en outre accompagnée de stratégies de communication très élaborées : précommandes, éditions collector avec jaspage, couvertures alternatives, etc., répondant ainsi à d’autres tendances actuelles sur le marché. En pratique, tout est mis en œuvre pour captiver l’attention des lecteurs et s’inscrire dans cette tendance florissante. Cependant, cette dynamique, si elle offre une large variété de choix, pose également question.
Saturation et uniformisation du genre : l’originalité menacée par la prolifération de la romantasy
Le premier danger de cette popularité grandissante est la saturation du marché. Il ne se passe jamais plus une semaine sans qu’une nouvelle romantasy ne fasse son apparition, en France ou ailleurs, rendant difficile pour les lecteurs de s’y retrouver. Si cette abondance peut sembler positive à première vue, elle soulève un problème majeur : les récits deviennent rapidement répétitifs. Trop de romans semblent calqués sur les mêmes structures, avec des tropes similaires : mariages arrangés, amours interdits, réécritures de mythes anciens, etc. Un modèle qui, bien qu’efficace, pourrait commencer à s’user.

Certaines sagas parviennent néanmoins à sortir du lot en proposant des univers plus originaux. C’est le cas de Gild de Raven Kennedy, qui revisite le mythe du roi Midas, ou encore de Dark Shores de Danielle L. Jensen, qui s’inspire de l’Empire romain pour créer un cadre unique, loin des forêts enchantées ou des royaumes médiévaux. D’autres auteurs, comme Liv Stone avec King of Scots, optent pour l’uchronie, en mêlant histoire alternative et romance, ce qui leur permet de se démarquer dans un marché saturé.
Toutefois, pour chaque œuvre innovante, combien d’autres ne font que suivre la vague en reprenant les codes du genre, sans véritablement apporter de nouveauté ? L’enjeu pour les auteurs et éditeurs est donc de réussir à marier ces attentes avec une véritable originalité. Le risque, à terme, est de voir la romantasy se fondre dans une forme d’uniformité, où chaque roman pourrait ressembler à un autre, perdant ainsi ce qui fait la magie même du genre.
Une étiquette parfois trompeuse : quand la « romantasy » n’est pas vraiment de la romantasy

Un autre problème majeur soulevé par cette tendance est la façon dont certains livres sont présentés comme de la romantasy alors qu’ils ne répondent pas entièrement aux critères du genre. La frontière entre fantasy et romantasy devient floue, entraînant parfois des déceptions pour les lecteurs. Un exemple fréquent est celui de la saga Hadès et Perséphone de Scarlett St. Clair. Bien que la romance y soit centrale, l’aspect fantasy reste en arrière-plan, et dans les premiers tomes, cet univers magique ne sert souvent que de décor à l’intrigue amoureuse.
Ce phénomène se retrouve également dans des sagas comme Le Prince cruel de Holly Black ou La Passe-Miroir de Christelle Dabos, qui sont parfois cataloguées comme des romantasy malgré une dose de romance bien plus discrète que ce qu’attendent les amateurs du genre. Cette confusion des genres, où la romance est diluée dans des récits davantage tournés vers l’aventure ou l’intrigue politique, peut frustrer les lecteurs à la recherche d’un vrai mélange entre amour et worldbuilding travaillé.
En multipliant les titres et en cherchant à suivre la tendance, certaines œuvres sont donc mal étiquetées, créant ainsi la frustration des lecteurs. Cela contribue à brouiller les repères du public, qui ne sait plus à quoi s’attendre en découvrant une « romantasy ».
La fantasy classique désormais mise à l’écart ?
Si la romantasy a su captiver un large public, elle semble également éclipser peu à peu les autres formes de fantasy. Ce sous-genre domine désormais les rayons des librairies et les catalogues des maisons d’édition. Cette surreprésentation de la romantasy se fait parfois au détriment de la fantasy classique, où l’intrigue amoureuse n’occupe pas une place centrale. De nombreux amateurs de fantasy épique, d’aventure ou de récits de quête peinent dorénavant à trouver des œuvres qui répondent à leurs attentes.
Les librairies consacrent de plus en plus de place aux romances dans les mondes imaginaires, reléguant d’autres fantasy à une section de plus en plus réduite. Les lecteurs qui recherchent des histoires moins focalisées sur les intrigues amoureuses se retrouvent souvent déçus par l’offre actuelle, qui tend à favoriser le mélange des genres.
Cette situation pose une question cruciale pour l’avenir du genre : comment maintenir la diversité des récits fantasy dans un marché de plus en plus orienté vers la romance ? Avec la montée en puissance de la romantasy, certains lecteurs se sentent délaissés.
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