Le traditionnel déjeuner des best-sellers, organisé chaque année par L’Express, a été marqué par une polémique inédite en raison de l’invitation de Jordan Bardella. Plusieurs auteurs et autrices ont refusé de participer à l’événement aux côtés du président du Rassemblement National, entraînant une vague de désistements et une absence remarquée. Retour sur une controverse qui dépasse le cadre littéraire.
Déjeuner de L’Express : un rendez-vous littéraire incontournable perturbé par une controverse politique
Depuis 25 ans, L’Express organise son déjeuner des best-sellers, réunissant les auteurs ayant marqué le paysage littéraire francophone au cours de l’année. En 2024, comme tous les ans, ce sont les chiffres d’Edistat qui ont déterminé la liste des invités, et parmi eux, Jordan Bardella s’est hissé à la 18ᵉ place des meilleures ventes avec Ce que je cherche et ses 175 000 exemplaires écoulés sur l’année passée.
La présence du président du Rassemblement National n’a toutefois pas manqué de susciter des réactions. Certains éditeurs ont annoncé que leurs auteurs et autrices refuseraient d’être associés à un événement impliquant Jordan Bardella, d’autant plus à deux ans de l’élection présidentielle. L’Express précise néanmoins qu’il ne font aucune distinction sur la liste des invités, comme cela avait été le cas en 2015 où Éric Zemmour avait été convié suite à la publication de son livre Le suicide français. Cette année néanmoins, la situation a pris une ampleur inédite et peu d’auteurs et autrices ont finalement répondu présents.
Un événement déserté par de nombreux auteurs et une photo officielle annulée
Habituellement, selon Libération, le déjeuner rassemble une quarantaine d’auteurs et autrices, mais cette édition du 5 février s’est déroulée dans un climat particulier, avec seulement six participants. Parmi les absents figurent des figures majeures de l’édition française, telles que Mélissa Da Costa, Joël Dicker et Gaël Faye.
Selon des informations de L’Express, les rares auteurs présents incluent Amélie Nothomb, Maxime Chattam, Philippe Boxho, Jean-Baptiste Andrea, David Foenkinos et Laura Swan, figure emblématique de BookTok. Amélie Nothomb, fidèle à l’événement depuis 25 ans, a justifié sa présence en déclarant : « Vous auriez invité Trump, c’était pareil, je serais venue, ce n’est pas Bardella qui va m’empêcher d’assister à celui-là. »
La photographie officielle du déjeuner, prise chaque année pour immortaliser l’événement, a été annulée, signe du climat tendu qui a entouré cette édition.
Un débat qui dépasse le simple cadre littéraire ?
Au-delà du simple refus d’une partie des auteurs de s’asseoir à la même table que Jordan Bardella (au sens figuré, plusieurs tables sont dressées pour cet événement), cet épisode soulève une question plus large sur la politisation des événements littéraires. D’un côté, certains estiment que les écrivains n’ont pas à s’auto-censurer et doivent participer à ce type de rassemblement, quelle que soit la liste des invités. De l’autre, les partisans du boycott considèrent que s’afficher aux côtés du président du Rassemblement National reviendrait à normaliser sa présence sur la scène culturelle.
Jordan Bardella semble de son côté avoir pleinement adopté son rôle d’invité au sein de ce cercle littéraire, adoptant un discours teinté d’un certain élitisme qu’on retrouve couramment dans ce milieu. L’Express rapporte qu’il a commenté sa lecture de La femme de ménage en déclarant qu’il s’agissait d’un « roman pour adolescent de 17 ans », une appréciation qui ne manquera pas de susciter des réactions.
Cette controverse rappelle que la littérature, bien que perçue comme un espace d’échanges et de débats, n’est jamais totalement coupée des tensions politiques de son époque.