Au cœur de Berlin, la place Bebel abrite un mémorial sobre, mais lourd de sens : celui des livres brûlés lors de la montée du nazisme. Conçu par l’artiste israélien Micha Ullman, ce mémorial rend hommage aux 20 000 ouvrages détruits par les nazis le 10 mai 1933.
Autodafé : un lieu de mémoire discret au centre de la place Bebel
Située en plein centre de Berlin, la place Bebel, l’une des plus belles de la capitale allemande, abrite le Denkmal zur Erinnerung an die Bücherverbrennung, également connu sous le nom de « Bibliothèque engloutie ».
À première vue, rien ne distingue cette place des autres, mais en son centre, une plaque de verre encastrée dans le sol attire l’attention. En s’approchant, les visiteurs découvrent une pièce souterraine composée d’étagères vides, représentant symboliquement les 20 000 livres détruits lors d’un des autodafés les plus tristement célèbres de l’histoire.

Ce mémorial, inauguré en 1995, n’a pas pour vocation d’expliquer, mais de rappeler. Sobre et discret, il invite les passants à réfléchir et se souvenir de cette censure qui visait à éradiquer toute pensée jugée subversive par le régime nazi. L’œuvre de Micha Ullman rend cet hommage de manière subtile, mais profondément émouvante, au milieu d’une place historique marquée par l’architecture et les événements du passé.
L’autodafé de 1933 : une journée sombre de l’histoire littéraire
Le 10 mai 1933, la place de l’Opéra, aujourd’hui Bebelplatz, devient le théâtre d’un des actes les plus brutaux de la montée du nazisme : l’autodafé organisé par l’association nationale-socialiste des étudiants allemands. Lors de cet événement, les œuvres de grands auteurs tels que Stefan Zweig, Karl Marx, Heinrich et Thomas Mann, ainsi que des textes de Marx, Freud et de nombreux autres intellectuels, sont jetés au feu sous les applaudissements de la foule.
Cet acte, destiné à purifier la culture allemande des idées jugées « décadentes » ou subversives, fut un signal fort de la censure intellectuelle à venir sous le régime d’Hitler. En brûlant ces œuvres, les nazis visaient à éradiquer les pensées critiques et les voix dissidentes, qu’il s’agisse d’écrits socialistes, juifs, homosexuels ou explorant la psychanalyse. Pour l’anecdote, l’auteur Erich Kästner, présent incognito ce jour-là, assista à la destruction de ses propres ouvrages.
L’autodafé de 1933 à Berlin, où plus de 20 000 livres furent réduits en cendres, reste un symbole de la brutalité du régime nazi contre la liberté d’expression et de pensée. Le mémorial de la Bibliothèque engloutie rappelle silencieusement cette répression, invitant à ne jamais oublier le poids de la censure.