L’autrice Tillie Cole mondialement connue pour son livre A Thousand Boy Kisses (Mille baisers pour un garçon dans sa version francophone) est régulièrement pointée du doigt par une partie significative de la communauté littéraire. Beaucoup dénoncent son aspect problématique et appellent au boycott de ses livres. La polémique est d’ailleurs revenue sur le devant de la scène après la sortie du spin-off de son livre à succès : Mille morceaux de coeurs brisés. Pourquoi Tillie Cole est considérée comme problématique ? Voici toutes les informations à connaître pour comprendre la polémique autour de l’autrice.
Cet article relate les éléments qui constituent la polémique autour de l’autrice, en s’appuyant notamment sur l’analyse des lecteurs ayant lu le livre. À titre personnel, je n’ai pas lu le livre concerné. L’objectif est de vous donner toutes les informations pour vous faire votre avis en toute connaissance de cause. Attention, cet article évoque des situations pouvant heurter la sensibilité.
Tillie Cole, l’autrice mondialement connue du roman Mille baisers pour un garçon

Tillie Cole est une autrice de romance young adult qui, à la suite du succès de son livre A Thousand Boy Kisses, bénéficie d’une renommée mondiale. Originaire de Grande-Bretagne, Tillie Cole a vécu dans différents endroits comme l’Italie, le Canada, ou bien encore le Texas (USA). Comme l’indique son site internet, elle est désormais retournée vivre en Angleterre avec son mari et son fils.
L’autrice compte plus d’une trentaine de livres à son actif, dont certains ont été traduits en français. Cela concerne notamment Mille baisers pour un garçon, bientôt adapté par Netflix, Mille morceaux de cœurs brisés, sorti il y a peu et un livre du nom de Love Crescendo. Toutefois, ce n’est pas du côté de ces romances-là qu’il faut regarder pour comprendre la problématique autour de Tillie Cole.
Ce qui est moins connu, mais qui n’en reste pas moins significatif, c’est que l’autrice s’est aussi illustrée dans le genre de la dark romance. C’est de ce côté-ci, et plus précisément de son livre Darkness Embraced, qu’il va falloir regarder pour comprendre la controverse.
Le livre Darkness Embraced de Tillie Cole au cœur d’une importante controverse
Une grande partie du lectorat français semble être passé à côté de la polémique autour de Tillie Cole. Le livre a cependant bel et bien été traduit en français et publié aux éditions Milady. Du côté booktok et booksta anglophone, l’autrice fait régulièrement couler beaucoup d’encre. En cause ? Son livre Darkness Embraced, considéré comme particulièrement problématique. Ce livre s’inscrit comme le septième tome de sa saga Hades Hangmen et a été publié en 2019.
Une darkromance qui met en scène un membre du KKK et la fille d’un chef de cartel mexicain

Dès le résumé de Darkness Embraced, le lecteur peut comprendre en quoi ce livre peut poser un problème, et surtout pourquoi la controverse prend tant d’ampleur. Il n’y a pas de mystères quant à la teneur du récit dont le résumé commence par “ L’amour le plus profond peut naître de la haine la plus féroce… “ (The deepest love can be born from the fiercest hate dans la version originale).
Ce livre propose l’histoire entre Tanner Ayers, hériter du Ku Klux Klan texan qui va croiser la route d’Adelita Quintana, fille du chef de l’un des cartels les plus violents du Mexique. Les deux protagonistes vont se détester dès leur rencontre. Toutefois, entre eux, quelque chose va naître et la haine va se transformer peu à peu en désir.
Il est bien précisé dès le résumé qu’il s’agit d’une romance contemporaine sombre, qui contient des scènes sexuelles explicites, de la violence, des sujets sensibles et tabous, et que la lecture est réservée à un public adulte.
Au-delà du sujet du livre : les mécanismes et les mots employés viennent créer la controverse autour du livre
Au sein des communautés littéraires anglophones, que ce soit sur YouTube, TikTok, ou bien encore Instagram, le livre a été largement pointé du doigt. Beaucoup ont fait de leur indignation face à la publication d’un livre mettant en scène une histoire d’amour entre un membre du Ku Klux Klan et une femme mexicaine. Pour les lecteurs ayant fait part de leur choc, le principal problème réside dans la romantisation qu’il y a autour de cette thématique.
Pour rappel, le Ku Klux Klan, largement désigné par le sigle KKK (ou par le mot Klan) est une organisation terroriste suprémaciste blanche fondée aux États-Unis à la moitié du 19ème siècle. Leur objectif premier a été de s’opposer à l’application des droits constitutionnels des personnes noires vivant aux États-Unis. Pour atteindre cet objectif, les membres du KKK vont commettre des assassinats, des lynchages, des attentats, des viols, des enlèvements, des tortures, ou bien encore des incendies. Bien que son influence ait diminué au fil du temps, le KKK existe toujours.
Au-delà du sujet en lui-même, c’est la façon de le traiter qui va venir se positionner comme problématique. Certains lecteurs relèvent que, dès le résumé, le vocabulaire vise à justifier, voire excuser, le comportement de Tanner. Dans ce résumé, cela va notamment se ressentir avec l’utilisation de l’adjectif nourrir (fed) pour expliquer son comportement. Concrètement, l’idée sous-entendue peut se traduire par “ce n’est pas de sa faute, c’est parce qu’il a été “nourri” de cette façon tout au long de sa vie”. L’arrivée du personnage d’Adelita va alors venir remettre tout cela en question, mais, encore une fois, la manière de construire l’histoire et le cheminement de pensée pose souci.
Si l’on s’en tient aux analyses des lecteurs ayant essayé de sensibiliser à ce sujet, le personnage d’Adelita est dans le livre utilisé comme faire-valoir. Concrètement, son rôle s’articule autour de Tanner, en faisant en sorte de l’amener au maximum de son potentiel. D’ailleurs, selon les extraits publiés, cela se fait au détriment de sa propre communauté (celle d’Adelita).
Au final, le problème majeur qui vient se poser est le message de fond : “guérir du racisme ultra-violent par la seule force de l’amour”. Cela peut sembler caricatural, mais il est soulevé que le personnage de Tanner va rapidement être excusé de son passé, quitte se positionner en héros. Tout cela est en outre rendu possible uniquement grâce à l’amour. Toutefois, il ne semble y avoir aucun travail de déconstruction, de même que rien concernant une quelconque rédemption pour les actes commis.
La légitimité de Tillie Cole à écrire cette histoire remise en question
Au sujet de la polémique sur Tillie Cole, et plus précisément sur Darkness Embraced, il y a une question qui revient souvent : Tillie Cole était-elle légitime d’écrire cette histoire ? Certaines personnes relèvent en effet le fait qu’en tant que personne blanche, elle n’est pas en mesure de comprendre les enjeux et de raconter l’histoire d’Adelita, visée par le racisme, qui va tomber dans les bras d’un membre d’un groupe terroriste de suprémaciste blancs.
Du côté de la communauté de Tillie Cole, l’autrice est pleinement légitime. La raison avancée est qu’elle a étudié les sciences humaines, et plus précisément les sectes. De fait, selon ses lecteurs, cela lui donne la légitimité de raconter cette histoire. Toutefois, à l’inverse, d’autres lecteurs rappellent que le KKK n’est pas une secte (comme celles qui sont évoquées dans d’autres tomes de la saga), mais bel et bien une organisation terroriste.
Lorsque j’ai publié ma vidéo Tiktok, j’ai eu un retour à ce sujet que je vous évoque ici. Toutefois, je n’ai pas vérifié l’exactitude de cette information. La personne indique que Tillie Cole a fait d’importants travaux de recherches pour sa saga Hades Hangmen et a notamment obtenu le consentement des victimes de situations dont elle s’est inspirée pour l’écriture de ces dark romance.
Les réactions de la communauté de Tillie Cole viennent mettre le feu aux poudres
La communauté des fans de Tillie Cole semble jouer un rôle important dans cette polémique. Ce point reste néanmoins toujours compliqué à analyser, comme cela peut l’être également pour la communauté de Sarah J. Maas, car une question se pose toujours : une célébrité peut-elle être tenue responsable des agissements de sa communauté ?
Lorsque la polémique a commencé à prendre de l’ampleur sur les réseaux littéraires, des vagues de harcèlements ont alors vu le jour. Les créateurs de contenu ayant dénoncé le livre Darkness Embraced ont reçu des commentaires en masse en se faisant pour beaucoup insulter. Des mots comme dégoutants, haineux, ignorants, étaient largement employés.
Ce qui est significatif, c’est que cette communauté de fans s’est organisée, notamment via Facebook, pour attaquer de façon ciblée et en masse les créateurs de contenu dénonçant le livre de Tillie Cole. Lorsqu’un compte était identifié, il était relayé pour que les autres membres de la communauté puissent aller commenter afin de le discréditer.
Qu’en est-il des réactions de Tillie Cole face à la polémique autour de son livre Darkness Embraced ?
Tillie Cole n’est pas la première autrice à se retrouver au cœur d’une controverse, et elle ne sera sûrement pas la dernière. Quand il est question d’auteurs problématiques, il reste toujours intéressant de se pencher sur la réaction de la personne concernée. Dans beaucoup de situations, c’est le silence des auteurs et des autrices qui pose souci et qui vient amplifier la polémique.
Dans le cas de Tillie Cole, l’autrice n’est pas restée silencieuse, bien au contraire. À la suite de la polémique, elle s’est exprimée en présentant ses excuses. Cependant, au même moment, elle a annoncé faire une pause des réseaux sociaux, ce qui a incité sa communauté à intensifier les vagues de harcèlement, tenant les créateurs de contenu responsables de cette décision. Il a fallu attendre deux semaines pour que Tillie Cole prenne des mesures contre ses comportements. Certains lui reprochent alors ce délai trop long, période pendant laquelle sa communauté a continué.
Un autre point notable est que Tillie Cole a pris la décision de retirer ses livres de la vente. La saga Hades Hangmen n’est plus disponible à l’achat, que ce soit dans la version originale ou dans la version française. J’ai essayé de simuler l’achat de la saga aujourd’hui pour voir ce qu’il en était et, même si des sites affichent les livres dans leur catalogue, la commande n’est pas possible.

La darkromance justifie-t-elle l’utilisation de situations particulièrement problématiques ?
C’est une question qui est au cœur de beaucoup de polémiques ces derniers temps. À de nombreuses reprises (hors controverse autour de Tillie Cole), les dénonciations de comportements extrêmement problématiques, voire totalement illégaux, sont balayés et justifiés par « c’est de la darkromance« . Pour certains, cet argument semble être la carte magique pour justifier tout ce qui est possible. Par ailleurs, beaucoup font valoir l’idée des « goûts littéraires », en partant du principe que « si on n’aime pas, on ne lit pas », sans chercher à comprendre en quoi la banalisation de ce genre de procédé peut se révéler dangereux.
Néanmoins, face à ça, plusieurs questions se posent. La popularisation de certaines œuvres problématiques, sous couvert de la darkromance, ne viendrait-il pas décrédibiliser les autres qui tentent de proposer un contenu sombre, mais correctement amené ? Au final, dans de nombreux cas, la problématique ne réside pas dans le sujet en lui-même, mais dans le procédé utilisé pour la traiter. Sur le sujet de Darkness Embraced, on peut potentiellement imaginer qu’une histoire ayant présenté le personnage de Tanner différemment, ayant donné une autre place à Adelita, et ayant inclus tout un procédé de déconstruction, aurait pu avoir un autre écho.
De façon plus générale, peut-on réellement tout écrire ? C’est une question évidemment qui ne trouve pas sa réponse ici, mais qui mérite d’être réfléchie.
Sources : expertbooksmuggler, Rollingstone, Reads with Rachel
Important : les informations de cet article sont susceptibles de changer si d’autres éléments venaient à se présenter