Un an après l’entrée en vigueur de la loi Darcos visant à réguler les frais de port des livres, Amazon semble avoir trouvé une faille juridique pour proposer des livraisons quasi gratuites. Une manœuvre qui relance le débat sur la concurrence entre géants du e-commerce et librairies indépendantes.
La loi Darcos : un dispositif pour rétablir l’équilibre entre e-commerce et librairies indépendantes
Adoptée en 2021, mais entrée en vigueur le 7 octobre 2023, la loi Darcos impose des frais de port minimum pour les livres commandés en ligne. L’objectif de cette législation était de protéger les librairies indépendantes face à la domination des grandes plateformes, en particulier Amazon.
Avant cette loi, des géants comme Amazon pouvaient proposer une livraison gratuite ou à 1 centime, un avantage commercial presque impossible à concurrencer pour les libraires. Désormais, pour toute commande inférieure à 35€, des frais de port obligatoires de 3€ doivent être facturés. Ce n’est qu’au-delà de ce montant que la livraison à 1 centime redevient autorisée.
Si la mesure a été saluée par les professionnels du secteur pour son ambition de rééquilibrer les règles du marché, certains observateurs, notamment Amazon, ont critiqué cette législation, la jugeant contraire aux intérêts des consommateurs en rendant les livres plus chers en ligne.
Amazon exploite une faille dans la loi pour réintroduire des livraisons à 1 centime
Alors qu’Amazon s’était conformé à la loi en facturant les frais de port minimums de 3€, la plateforme semble désormais exploiter une exception prévue dans le texte. La loi stipule que ces frais de port ne s’appliquent pas si le livre est retiré « dans un commerce de vente au détail de livres ». Cette précision est prévue notamment pour que les consommateurs puissent commander un livre dans leur librairie sans surcoût.
Amazon s’appuie sur cette clause pour proposer de nouveau des livraisons à 1 centime, même pour des commandes inférieures à 35€, lorsque les livres sont envoyés dans des commerces partenaires ou dans les casiers métalliques Amazon Locker. Cette interprétation soulève des questions sur l’équité et l’esprit de la loi Darcos, qui visait justement à limiter ce type d’avantage compétitif.
Ce n’est pas la première fois qu’Amazon cherche à contourner cette législation. En mai 2023, l’entreprise avait déposé un recours auprès du Conseil d’État, invoquant un « excès de pouvoir ». Selon Amazon, la loi Darcos aurait un impact négatif sur les consommateurs en rendant les livres en ligne plus coûteux.
Pour l’heure, le Conseil d’État a suspendu son jugement et transmis le dossier à la Cour de justice de l’Union européenne. L’avis de cette dernière, attendu pour 2025, pourrait redéfinir l’avenir de cette réglementation.
Un nouveau défi pour les librairies indépendantes et une législation encore fragile
La manœuvre d’Amazon relance le débat sur l’efficacité de la loi Darcos et sur les limites de sa portée. Si la législation visait à protéger les librairies indépendantes, cette nouvelle faille pourrait bien annuler une partie de ses bénéfices.
Face à un géant comme Amazon, capable d’exploiter des subtilités légales et de proposer une logistique massive, les libraires peinent toujours à rivaliser. Cette situation soulève également une question de principe : la loi doit-elle être ajustée pour garantir l’équité entre les différents acteurs du marché ?