Annoncée comme un événement majeur dans le monde de la fantasy, la tournée de la maison d’édition DeSaxus suscite autant d’enthousiasme que de critiques. Au cœur des débats : l’obligation d’achat et une fracture croissante entre les lecteurs et l’industrie du livre. Retour sur la venue de Rebecca F. Kuang, Samantha Shannon et Saara el-Arifi en France et la polémique grandissante sur les réseaux littéraires.
DeSaxus : une tournée littéraire “légendaire” avec trois stars de la fantasy
La maison d’édition DeSaxus a récemment dévoilé les dates d’une tournée française qualifiée de “légendaire”, prévue fin mai 2025. L’événement réunira trois autrices devenues incontournables dans le domaine de la fantasy : Rebecca F. Kuang, Samantha Shannon et Saara el-Arifi. Cinq villes accueilleront les rencontres : Paris, Lyon, Toulouse, Epinal et Nates.
L’annonce a immédiatement suscité un fort engouement parmi les fans, impatients de rencontrer ces figures majeures du genre. Toutefois, très vite, une partie de la communauté littéraire s’est insurgée contre les modalités d’accès à ces rencontres.
Un accès conditionné à l’achat d’un livre : la décision de DeSaxus qui divise
Pour participer à l’un de ces événements, il est obligatoire d’acheter une nouveauté du catalogue DeSaxus ou de son partenaire PAL, dans le magasin qui accueille la séance (FNAC, Cultura ou L’Atalante). Cette condition a été mal accueillie par une partie des lecteurs, notamment ceux qui possèdent déjà les ouvrages en question ou qui ne souhaitent pas acquérir un titre particulier.
L’exemple de Samantha Shannon est souvent cité : certains espéraient faire dédicacer Le Prieuré de l’Oranger, mais l’achat requis concerne exclusivement le tome 5 de The Bone Season. Pour de nombreux fans, cette règle donne l’impression d’un système excluant ceux qui n’ont pas les moyens ou l’envie de racheter un livre qu’ils possèdent déjà.
Autre point soulevé : le choix des lieux d’accueil. Trois des cinq dates auront lieu dans de grandes enseignes culturelles comme la FNAC et Cultura, et non dans des librairies indépendantes. Certains estiment dont que ces points de vente n’ont pas besoin de ces ventes obligatoirement, ce qui rend injustifiable cette obligation d’achat.
Plusieurs voix s’élèvent pour regretter une forme de “mépris de classe”, dénonçant une organisation qui favorise les grands groupes et pénalise les lecteurs.
Obligations d’achat : des pratiques déjà observées, mais qui interrogent
La polémique renvoie à une question plus large : quelles sont les pratiques acceptables pour organiser des rencontres littéraires aujourd’hui ? Si la norme reste l’entrée gratuite ou un achat libre dans une librairie partenaire, d’autres modèles ont déjà vu le jour. L’éditeur J’ai Lu, par exemple, avait proposé une “tea party” payante avec Julia Quinn, en assumant le caractère exclusif de l’événement.
Le cas de DeSaxus, cependant, semble plus sensible, car il implique une condition d’achat perçue comme implicite pour accéder à un événement perçu de base comme grand public.
La polémique a continué à prendre de l’ampleur lorsqu’une créatrice de contenu a publié une vidéo jugée condescendante, dans laquelle elle minimisait les critiques des lecteurs. Le ton de la vidéo, plutôt que son contenu, a été pointé du doigt pour son caractère moqueur, ajoutant à la frustration de certains membres de la communauté.
Tournée légendaire de DeSaxus : un débat sur la viabilité économique des événements gratuits ?
Du côté de DeSaxus, certains soutiens rappellent que faire venir trois autrices étrangères pour une tournée nationale représente un coût logistique élevé. L’obligation d’achat serait potentiellement une alternative à la billetterie, permettant de rendre l’événement accessible tout en rentabilisant l’organisation.
Cependant, cette justification ne convainc pas tout le monde. La maison d’édition, considérée comme un poids lourd du secteur de l’imaginaire, est parfois perçue comme ayant les moyens de financer cette tournée sans imposer de condition d’achat. Cela soulève une question de fond : notre perception des maisons d’édition est-elle cohérente avec la réalité économique ?
Une tension croissante entre lecteurs et éditeurs ?
Au-delà de ce cas précis, la situation semble illustrer un malaise plus large dans le rapport entre maisons d’édition et lecteurs. Dans un contexte économique tendu, les prix des livres augmentent, tout comme le sentiment de devoir sans cesse “payer plus” pour accéder à la culture. L’idée que les lecteurs soient réduits à de simples consommateurs destinés à enrichir les poids lourds de l’édition revient de plus en plus dans les débats.
Cette perte de confiance rappelle d’autres situations similaires, comme celle de Bragelonne, où certains internautes avaient avancé le fait que l’éditeur aurait dû rendre gratuit les frais de port de sa box romantasy. La perception d’un “géant” éditorial entraîne souvent des attentes très fortes, mais peut-être parfois déconnectées des réalités qui nous échappent en tant que consommateur.
Bonjour, l’obligation d’achat pour accéder à une dédicace ne date pas d’hier… C’est habituel en BD, que ce soit en festival ou en librairie. Ce sont plutôt les choix des lieux qui sont critiquables, je trouve. Avec six dates au lieu de cinq et trois supermarchés culturels + trois librairies indépendantes, ça aurait été plus cohérent. D’autant qu’il y a de jeunes libraires spécialisées en Romance/Romantasy qui méritent d’être soutenues pour leurs enthousiasme et leur prise de risque.